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Menaces indirectes

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L'incidence sur l'Esturgeon européen des produits toxiques et de polluants diffus d'origine agricole, domestique et industrielle présents dans l'eau, les sédiments et la chaîne alimentaire, a très rarement été étudiée. Néanmoins, différentes perturbations du métabolisme, des capacités et du succès de reproduction (maturité, fécondité et qualité des gamètes, viabilité de la descendance), sont attribuées, chez différentes espèces de poisson et certaines autres espèces d'esturgeon, à ces menaces indirectes  :
 
- Dioxines (dont PCB) : métabolisme des graisses chez l'anguille européenne
- Métaux lourds (cadmium, mercure, etc.)
- Pesticides, herbicides, etc.
- Résidus médicamenteux : antibiotiques, antidépresseurs, contraceptifs oraux, ... autant de substances biologiquement actives qui sont rejetées de façon continue dans les milieux aquatiques. Si tout risque de toxicité aigüe est écarté, ces micropolluants sont néanmoins susceptibles d'avoir un impact sur les organismes aquatiques (métabolisme, changement du sexe, etc.).
 
 
Il est donc très probable que le taux parfois élevé de pollution dans la plupart des bassins où l'esturgeon pourrait être présent affecte également sa reproduction. Une telle hypothèse a été suggérée pour expliquer la détérioration de la qualité du sperme (faible mobilité des spermatozoïdes) observée chez des mâles reproducteurs capturés accidentellement dans la Garonne et la Dordogne. Cependant, l'impact sur l'Esturgeon européen n'a pas été étudié et l’étendue de ce phénomène dégénératif est inconnue. 

  Picto_Danger_Environnement

  Picto_Nocif

  Picto_Toxique


Par ailleurs, l'introduction de nouveaux parasites ou pathogènes de l'espèce dans le milieu naturel est une éventualité qui ne peut être écartée.
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Exploitation commerciale

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Avant que l'espèce ne décline, l'esturgeon européen constituait une ressource halieutique recherchée pour sa chair, très appréciée localement, et pour ses œufs à partir desquels étaient produits l'or noir de la mer, le caviar. Les gélatines extraites du poisson trouvaient également un débouché dans le secteur agro-alimentaire et le collagène de la vessie natatoire était utilisé dans l'industrie optique (ichtyocolle).
 
 
Les premiers récits et les restes archéologiques attestant de la consommation de l'esturgeon européen par l'homme remontent à l'époque gallo-romaine.
 
A la fin du 19ème siècle, ce poisson migrateur faisait l'objet d'une pêche ciblée dans presque tous les Etats de son aire de répartition historique. A partir du début du 20ème siècle, avec le développement du marché du caviar, son exploitation commerciale a considérablement augmenté. Holcik et al. (1989) ont estimé la production mondiale annuelle entre 150 et 200 tonnes d'Acipenser sturio au cours de cette époque, soit approximativement 14 000 à 16 000 individus. A l'image de la disparition successive des populations de la moitié Nord de l'Europe, les captures d'esturgeons européens en mer du Nord et en mer Baltique ont sévèrement chuté au cours de la première moitié du 20ème siècle. Depuis les années 20, l'espèce a perdu son importance commerciale dans la majoritédes Etats de son aire de répartition.
 
 
Au lendemain de la seconde guerre mondiale, l'esturgeon européen ne se pêchait plus, en Europe, que sur les bassins du Guadalquivir et de la Gironde. Les activités de pêche enregistraient alors sur le bassin français une production moyenne annuelle d'environ 50 tonnes d'esturgeons pour 3 tonnes de caviar. Les améliorations technologiques des gréements de pêche liées à l'essor de la motorisation et, plus tard, à l'utilisation du nylon dans la confection des filets de pêche, associées à une connaissance parcellaire de l'écologie de l'espèce et à une réglementation inadaptée, ont contribué un peu plus au déclin de ces dernières populations d'esturgeon.
 
Malgré les différentes mesures réglementaires adoptées en faveur de l'espèce, les captures n'ont cessé de diminuer, passant de 4000 individus environ en 1947 à 195 spécimens en 1963 pour ne plus comptabiliser que 150 esturgeons entre 1971 à 1980. L'esturgeon européen est strictement protégé en France depuis 1982 et en Europe depuis 1998.
 
 
 
Histo_Captures_Gironde Capture_Sturio
 

 

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Dégradations du milieu naturel

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Quelques 10 à 16 ans de croissance sont nécessaires à l'esturgeon européen pour être en capacité de se reproduire. Au cours de cette phase de vie juvénile, il fréquente divers milieux aquatiques (fleuves, estuaires, eaux côtières) dans des zones soumises à des pressions intensives d'aménagement et de pollution notamment. Il doit donc s'adapter àdes contraintes extrêmement fortes pour parvenir à boucler son cycle biologique.
La première phase de raréfaction des migrateurs remonte au Moyen Age, liée aux travaux de protection des berges des fleuves et aux déboisement des plaines alluviales (Hoffmann, 1996 & 2005). Au cours des 19ème et 20ème siècles, les contraintes d'origine humaine imposées aux habitats essentiels de l'espèce sont devenues plus fortes et ont été, avec la pêche, à l'origine de la disparition de l'espèce des bassins européens utilisés au préalable.
 
  • Obstacles à la migration et artificialisation des fleuves
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Avec le début de l'industrialisation, presque tous les hydrosystèmes fluviaux en Europe ont été modifiés par les barrages hydroélectriques et autres aménagements hydrauliques de grande ampleur qui ont empêché les poissons anadromes d'atteindre leurs zones de reproduction : rupture partielle ou totale de la continuité écologique, réduction ou suppression des surfaces de frayères accessibles, chenalisation pour navigation, comblement des annexes et zones humides tampon, aménagement des berges...
L'impossibilité d'accéder à ses zones de frayères a entrainé la disparition de plusieurs des populations d'Acipenser sturiodepuis le début du 20ème siècle (ex Guadalquivir depuis la construction du barrage d'Alcala de Rio). En outre, les régulations des écoulements dans les fleuves où étaient présentes des frayères ont causé des fluctuations considérables des régimes hydrologiques et du niveau d’eau, rendant ainsi plus difficile l'accès à des zones de frayères (ex Rhône) ou réduisant le succès de reproduction de l’espèce.
 
  • Déboisement des plaines alluviales et impact de l'agriculture intensive
;;;;;;; Le développement agricole dans tous les Etats de l’aire de répartition pendant tout le 20ème siècle s’est accompagné du déboisement des zones alluviales, de la modification des régimes d'écoulement des fleuves (augmentation des eaux de ruissellement, pompages en rivière pour l'irrigation...), et de la destruction des zones de frayères (augmentation de la charge organique des eaux, colmatage des habitats...).

 

  • Extraction de sables et granulats par draguage : destruction des habitats essentiels

 

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L'extraction de sable, de gravier et d’autres matériaux dans ces zones de frayères a été particulièrement dévastatrice sur le Danube, le Guadalquivir et la Garonne. Les sites ainsi transformés n'ont plus les caractéristiques hydrodynamique recherchées par l'espèce pour sa reproduction. Sur les zones de nourricerie cette activité a réduit la biomasse benthique qui constitue la ressource alimentaire principale pour l’esturgeon. 
  • Menaces directes des pollutions

 

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D'origine agricole, industrielle ou domestique, elles-ci se traduisent par des pics de pollution engendrant anoxie, augmentation de température, eutrophisation... 
  • Effets cumulés et indirects pour l'espèce

 

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Les modifications des régimes des cours d'eau (barrage, recalibrage...) et les différents impacts sur les habitats (suppression, réduction, colmatage) et la faune benthique ont eu un impact dévastateur sur l'esturgeon européen : celui-ci a été privé de presque toutes les zones de frayères naturelles dans lesfleuves où le poisson était commun dans le passé. 

 

Tous ces constats amènent de nombreuses questions, aujourd’hui encore largement sans réponses :

- Les modifications de l'habitat à l'origine des obstacles à la migration et de la destruction ou dégradation des zones de frayères et de nurserie sont-elles réversibles ?
 
- La dégradation de la qualité et du débit des eaux douces liée aux usages de l’eau (irrigation…), aux aménagements hydrauliques et aux pollutions chimiques et thermiques dans la plupart des bassins où l'esturgeon pourrait être présent, ainsi que l’aménagement et la banalisation des milieux estuariens, affectent-ils de façon préoccupante sa reproduction et son développement ?
 
- Quelle est l'influence possible du réchauffement global ?  On la suppose faible dans la mesure où l'espèce vivait autrefois sur les bassins méditerranéens et qu'elle s'accommode d'une amplitude thermique forte. Mais quel effet indirect possible par la modification du régime des eaux et du cycle des polluants, la modification des ressources alimentaires, etc.
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Causes de raréfaction

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L'esturgeon européen combine à la fois les particularités :
- des poissons migrateurs qui dépendent étroitement de la qualité et de la connectivité des milieux qu'ils occupent ou par lesquels ils transitent pour accomplir leur cycle de vie. Les géniteurs cherchent très probablement à se reproduire sur le bassin où ils ont grandi
- des "géants", ces grands animaux caractérisés par une reproduction tardive et une stratégie alimentaire qui les contraint à consommer de grandes quantités de nourriture et donc à trouver et se concentrer sur les zones les plus riches en nourritures
 
 
Ces caractéristiques écologiques le rendent vulnérable à certaines activités humaines (Rochard et al., 1990). Une synthèse collective (Williot et al., 2002) a essayé d'identifier les causes qui peuvent expliquer le déclin spectaculaire des captures d'esturgeons. Les atteintes auxquelles les populations sauvages ont été confrontées au cours des deux derniers siècles et les menaces qui pèsent encore aujourd'hui sur l'espèce sont multiples :
 
 
- les dégradations de ses habitats essentiels et de leur connectivité (frayères, zones de nourricerie) ont fait payer un lourd tribut à l'espèce européenne. Elles correspondent aux perturbations physiques imposées aux milieux aquatiques (artificialisation et barrage des fleuves, destruction des frayères, etc.), à la dégradation de la qualité des habitats (pollution, eutrophisation, etc.), et à leurs effets cumulés,
 
 
- son exploitation commerciale, aujourd'hui interdite en France comme à travers toute l'Europe, s'est considérablement développée au début du 20ème siècle et s'est étendue à l'ensemble de son aire de répartition, avec le développement du marché du caviar notamment. L'exploitation abusive des estuaires et des zones côtières a accéléré le phénomène de déclin de l'espèce,
 
 
- des actes de braconnage, dénoncés depuis la protection réglementaire de l'espèce en 1982, furent une cause directe supplémentaire de raréfaction de l'espèce (Guth & Laurent, 2004). Les mortalités massives en mer des cohortes 1994 et 1995 sont très vraisemblablement dues à cette cause.
 
- ses captures accidentelles réalisées à l'occasion de pêches dirigées vers d'autres espèces côtières commerciales, représenteraient aujourd'hui l'une des menaces pour ce poisson migrateur. Robustes et résistant bien à ces captures, les esturgeons piégés peuvent la plupart du temps être relâchés vivants. La mobilisation des pêcheurs est alors essentielle (Lepage et al., 2002).
 
 
- la bio-accumulation de substances toxiques (métaux lourds, dioxines, hormones, etc.) présentes de façon diffuse dans le milieu, provoque, chez certaines espèces de poisson, une incidence notable sur les capacités de reproduction et la viabilité des descendances. Bien que cette menace indirecte ait été peu décrite chez l'esturgeon européen, elle ne peut être écartée (Maury-Brachet et al., 2008).
 
 
- d'autres facteurs dont l'impact réel sur les populations sauvages n'ont pu à ce jour être démontrées méritent néanmoins d'être évoqués : il s'agit des possibilités d'hybridation et des risques de compétition avec d'autres espèces d'esturgeon issus de l'élevage et présentes accidentellement dans les eaux libres. S'ajoute également l'effet Allee ou phénomène de dépensation qui peut intervenir lorsque la densité des géniteurs sur les zones de frayère est si faible qu'ils ne trouvent plus de partenaires sexuels. Même en l'absence de toute autre source de mortalité, la population n'est plus en mesure de se maintenir.
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Captures accidentelles

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Strictement protégé dans les eaux françaises depuis 1982, l'esturgeon européen n'est plus la cible de pêcheries commerciales. Cependant, il subsiste des risques importants de capture accidentelle, en mer comme dans le bassin de la Gironde, à l'occasion de pêches dirigées vers d'autres espèces (sole, raie, langoustine, etc.) faisant l'objet d'une exploitation légale. En effet, les esturgeons fréquentent les eaux côtières où cohabitent de nombreuses autres espèces d'intérêt halieutique et commercial, et qui constituent un terrain d'activité important pour les flottilles de pêche. Ayant un comportement de poisson de fond, les esturgeons peuvent être piégés par différents engins de pêche aux premiers rangs desquels figurent les chaluts benthiques et les filets maillants ou emmêlants. Les mortalités occasionnées par ces pêches accidentelles constitueraient aujourd'hui l'une des principales menaces pour l'espèce
  Capture_Mairie_Ambes
L'expérience montre pourtant qu'un esturgeon piégé, de par sa robustesse et sa résistance avérée à ce type de traumatisme, est encore vivant, le plus souvent (2/3 des cas), lorsque l'engin de pêche, quel qu'il soit, est remonté. La réaction et la décision du pêcheur sont donc déterminantes. Hormis dans l'estuaire de la Gironde ou à sa périphérie, depuis les lâchers d'alevins en 2007 et 2008, la capture d'un esturgeon européen restait un évènement rare il y a quelques années. Compte tenu de la situation alarmante de la population en milieu naturel (estimée aujourd'hui à quelques centaines de géniteurs), la survie de chaque spécimen compte. Même si les mortalités accidentelles sont parfois inévitables, il est capital que le pêcheur mette tout en œuvre pour que l'animal survive. Les pêcheurs détiennent une clé importante de la protection de l'esturgeon ; de leur bonne information et de leur mobilisation peut dépendre l'avenir de l'espèce.
 
Dans ce sens, et afin d'augmenter les chances de retour des géniteurs sur leur fleuve d'origine, plusieurs campagnes d'information et de sensibilisation du monde maritime et fluvial ont été réalisées en France, au cours des deux dernières décennies. Cette action portée par le CNPMEM, en collaboration avec l'IMA, ne s'est pas limitée au système fluvio-estuarien de la Gironde et aux côtes du Golfe de Gascogne et de la Manche, mais s'est étendue à l'échelle de l'aire européenne de répartition de l'espèce. Les consignes restent les mêmes pour tout pêcheur capturant un esturgeon européen : les esturgeons européens capturés accidentellement en mer doivent être relâchés immédiatement sur le lieu de capture puis signalés à un réseau européen de partenaires.
De nombreuses déclarations ont lieu, avoisinant ou dépassant les 300 déclarations annuelles, avec la grand majorité dans l'Estuaire de la Gironde et les secteurs proches. Les poissons capturés semblent provenir de toutes les différents lâchers ayant eu lieu dans le bassin depuis 2007.

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